La Malcommunication


C’est la fin de cette saison 2017-2018 au goût d’inachevé, marquée selon le président de l’OM Jacques Henri Eyraud par une volonté de s’améliorer à tous les niveaux. Si l’OM n’est pas passé loin d’un destin doré, avec une qualification en Ligue des Champions qui lui tendait les bras, c’est aussi parce que la communication du club olympien fait partie des axes d’amélioration urgents de cet OM. Analyse

Objectif flou de l’OM et communication désunie

Bref flashback le 30 juillet 2017. Par la voix de son président Jacques Henri Eyraud, l’OM débute sa saison 2017-2018 sous le signe d’un objectif sportif du club aussi mal défini qu’approximatif : « l’objectif est de faire mieux que la cinquième place ». Avec l’affirmation de son but ultime, vouloir faire mieux que l’année précédente, l’OM envoie d’entrée de jeu, par sa communication, le message officiel que la quatrième place fait partie de son ambition. Un objectif imprécis version « peut mieux faire » qui trouvera son prolongement le 21 novembre 2017, dans la bouche de l’entraîneur Rudi Garcia en conférence de presse, qui affirmera dans la même dynamique et tambours battants « si on est quatrièmes on sera dans l’objectif ». Des propos qu’il avait d’ailleurs déjà tenus fin avril 2017. Au flou désagréable qui se dégage de l’objectif difficilement arrêtable fixé par le club olympien, s’ajoute un paradoxe. Albert Valentin, le directeur sportif adjoint de l’OM, affirmait de son côté, dans une interview entre ces deux déclarations, le 18 octobre 2017 « cette saison l’objectif est de se qualifier en Ligue des Champions ». Un message qui court-circuite la communication du président et de l’entraîneur de l’OM, contradiction d’autant plus perceptible qu’elle émane d’un des principaux décideurs sportifs du club. Une donnée dont on retrouvera l’écho chez les joueurs de l’OM, dont plusieurs qui affirmeront à contre-courant et durant toute la saison que l’objectif de l’OM est la qualification en Ligue des Champions. Bouna Sarr affirmait par exemple, à seulement une petite semaine d’intervalle avec son entraîneur « finir seconds a toujours été un objectif ». Cela renvoie à deux choses : la première est que l’objectif approximatif de l’OM a plusieurs versions, ce qui n’a pas lieu d’être dans un club sérieux qui ambitionne une communication claire et cohérente. La seconde est que tel un père qui n’assume pas son fils, l’OM a décidé de ne pas assumer clairement sa volonté d’aller en Ligue des Champions. Andoni Zubizarreta confirmera d’ailleurs cet objectif à contre-courant dans son interview du 15 mars 2018. La communication de l’OM, autour de l’élément central de la définition de l’objectif sportif sensé donner l’impulsion au club, n’en est apparue que plus approximative et désunie. Ironie de l’histoire, Albert Valentin rappelait dans la même interview « la nécessité d’une bonne politique de communication » à l’OM.

Les joueurs de l’OM, vecteurs d’image à l’influence négligée par le club 

Les joueurs de l’OM sont un des vecteurs essentiels de la communication du club olympien, dont le rapport d’influence (négligé à l’Olympique de Marseille) est réciproque, chacun ayant une influence positive ou négative sur l’autre. Lors de la présentation officielle de la recrue brésilienne Luiz Gustavo le 04 juillet 2017, le site officiel de l’OM lance son communiqué de présentation du joueur par un péjoratif et dévalorisant « méconnu en France », sous-entendant que sa recrue est un illustre anonyme en France, ce qui est non seulement faux ou incomplet mais surtout clairement malvenu dans le contexte, et le décrit de manière suspecte comme un « milieu relayeur agressif » ce qui laisse à penser que c’est un joueur prompt à l’agression, selon la définition communément acceptée du mot.

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Alors même qu’il aurait fallu d’une part valoriser une des premières recrues de niveau et de standing européen à l’OM depuis 2010 (comme je l’avais d’ailleurs précisé sur Twitter à ce moment-là) et d’autre part désamorcer la description de boucher et de joueur à cartons qui émanait des premiers éléments de présentation venus d’Outre-Rhin, l’OM va faire tout l’inverse. Cette présentation pour le moins bâclée, mettant l’accent sur les défauts du joueur plutôt que sur ses qualités, va se matérialiser dans les faits par ses premiers cartons très sévères pour ses débuts en Ligue1 et ses premières convocations tout aussi sévères en Conseil de Discipline. La première vidéo valorisant le joueur émanera tardivement plus de quatre mois plus tard, le 25 décembre 2017, alors qu’il n’était pas si risqué que cela de le mettre beaucoup mieux en lumière dès son arrivée. Cela pose vraiment la question de la manière dont l’OM compte valoriser ses recrues à l’avenir, via les différents canaux de communication à sa disposition, et si le club olympien compte surtout par sa communication protéger ou exposer ses joueurs à des événements qu’il a clairement le pouvoir d’influencer, positivement ou non.

Une image de joueur et un lien qui ne tiennent d’ailleurs qu’à un fil, qui peut se rompre aussi violemment qu’un coup de pied de Patrice Evra à un supporter de l’OM. JHE revenait le 23 décembre 2017 sur le rôle que peuvent avoir les réseaux sociaux, utilisés à l’excès par l’ex-joueur olympien, en ces termes « Ces vidéos n’engageaient que lui. Elles n’entachaient pas l’image de l’OM ». Par ses vidéos provocantes postées aléatoirement, c’est pourtant évident que Patrice Evra engageait autant l’image du club olympien, dont il portait le brassard à ce moment-là, que son image personnelle. Quelques mois auront ainsi suffi au joueur pour devenir le symbole à travers ses mises en scène d’une communication en total décalage avec ses performances sur le terrain. Un cocktail explosif qui en fera un catalyseur des mauvais résultats sportifs de l’OM à un moment donné, irritera dans un premier temps les supporters de l’OM, pour finir par atteindre Frank McCourt une fois l’irréparable commis, qui se serait sans doute bien passé de cette publicité néfaste pour le club en mondovision. La déclaration du président de l’OM « C’était sa responsabilité. Il se mettait en scène et chacun est libre de juger de la pertinence de ces vidéos » sous-tend surtout que la sonnette d’alarme n’a pas été tirée en amont par le club, malgré les nombreux signaux d’alerte évoqués. Une mauvaise appréciation qui a généré un cumul de tensions autour du latéral gauche marseillais, et qui s’est terminée par un événement négatif et incontrôlable. C’est la meilleure preuve que la communication d’un joueur de l’OM peut d’une part peser sur sa perception auprès des supporters de l’OM et du grand public, et d’autre part engager in fine l’image du club olympien. Car l’échec du passage d’Evra est avant tout l’échec de l’OM, qui devra s’en inspirer par la suite.

Ces deux cas pratiques viennent contredire les propos de Jacques Henri Eyraud et prouvent au contraire concrètement qu’en matière de communication, responsabilité et rapport d’image, très souvent mal appréciés à l’OM, sont au contraire réciproques et interdépendants entre l’OM et les joueurs de son effectif.

Une communication qui ne profite pas des dynamiques sportives qui s’offrent à l’OM

Retour il y a un peu moins de deux mois, le 15 mai 2018. Nous sommes à la veille d’une finale de Ligue Europa qui va opposer l’OM à l’Atletico Madrid. Le président de l’OM répète à qui veut l’entendre dans les médias français à forte audience « On n’avait pas pensé aller en finale de Ligue Europa, ce n’est pas ce qu’on avait prévu« . L’affirmation de JHE a le mérite de l’honnêteté et ne souffre pas de contestation particulière, à moins d’avoir des dons de voyance. Pour faire une projection, il suffit pourtant de regarder la boule de cristal d’un peu plus près, pour voir que cette communication en apparence anodine n’est non seulement pas constructive pour le club marseillais, mais qu’elle mène en plus l’OM vers une pente descendante. Premièrement car si le cours des évènements est rarement prévisible à l’avance en football, les succès ne sont jamais le fruit du hasard. Et que si l’OM a combiné durant toute la saison place sur le podium de L1 et parcours sans faute en Ligue Europa, au vu notamment de la situation récente du club, c’est qu’il a travaillé pour y arriver. La déclaration de JHE, inoffensive en apparence, tend au contraire à faire passer cette combinaison pour un heureux accident industriel et donne surtout l’impression de ne pas prendre la mesure de l’événement et de sa nécessaire intégration dans une perspective de progrès futur pour l’OM. Basile Boli rappelait d’ailleurs cet aspect dans un entretien le même jour  » J’aimerais bien qu’ils sentent que c’est l’OM. Que l’OM c’est aussi une entité. » Faire ressortir une fierté d’appartenance et d’en être arrivés là, exprimer une identité forte, une volonté de gagner et de marquer les esprits, voilà la solution. Tout le contraire d’un concours de circonstances bienvenu exprimé par les dirigeants de l’OM.

On retrouve également ce manque de mise à profit des dynamiques sportives positives de l’OM dans la communication du club en Ligue 1. Quoi de mieux que de remettre la culture de la gagne au centre des débats et de saisir l’opportunité de grandir plus vite pour marquer une rupture avec le passé. En seconde partie de saison, c’est lors de pas moins de dix journées consécutives (*) que l’OM sera virtuellement qualifié en Ligue des Champions, avant de perdre définitivement son statut à partir de la 32ème journée du championnat. Et d’échouer à un petit point du podium. Malgré une dynamique sportive clairement positive, l’OM et son président n’adapteront jamais leur discours à la réalité imposée par le terrain dans le money-time (*) et laisseront logiquement filer leur destin à une concurrence plus sûre d’elle, l’OL en tête. Pour finir par donner l’image pathétique de joueurs de l’OM dépendants des autres, qui attendent les résultats de leurs adversaires directs pour se reprendre à rêver. Un manque d’adaptation au contexte et une non prise en compte de la réalité sportive imposée par le temps, symbolisée par cette déclaration de fin de saison du président olympien « Je ne comprends pas le débat sur la non-qualification en Ligue des Champions. Cette qualification n’a pas été intégrée à notre budget » fermant les bras à toute ambition positive non prévue par l’OM. Et les ouvrant à des résultats passables, qui laissent le club olympien et tous les supporters de l’OM sur leur faim. Il n’est pas interdit de penser que l’OM avait là une occasion en or de prendre de l’avance sur son projet, au lieu de risquer désormais de prendre du retard dès l’année prochaine. Cette saison, l’OM aura donné naissance à un néologisme : la malcommunication.

©Le Corbeau Phoceen

(*) l’OM sera dans les trois premières places de la L1 sans discontinuer de la 21ème à la 31ème journée.

(*) le meilleur exemple est le match nul concédé à Guingamp 3-3 à la 37ème journée, alors que l’OM menait 2-0.

(*) Les sources des différentes déclarations citées dans l’article sont disponibles à la demande : lecorbeau.phoceen@gmail.com